fabrice tignac - "souvenir trouvé"
Fotografie
Souvenirs sur la tranche d'une lame de rasoir
«Vous voyez cet enfant qui tient un nounours dans les bras, comme on peut serrer affectueusement son confident. C'est une photo que j'ai récupérée dans une décharge dans les années 80. Autrement dit, cet enfant doit bien avoir 30 ans aujourd'hui. Ce n'est pas l'identité de l'individu que je mets en avant. Ce qui m'intéresse, c'est le souvenir collectif » : Fabrice Tignac expose actuellement son travail au centre culturel des Carmes, sous l'intitulé « Souvenir trouvé ».
Un fond immatériel
Ce photographe plasticien a une façon très singulière de retravailler avec une lame de rasoir des photographies anciennes. L'artiste en définit trois catégories.
Les plus anciennes remontent aux années 1900 et sont le fruit d'acquisitions dans les brocantes et les vide-greniers. Dans un autre registre, il y a un lot datant des années 80, plus vulgairement qualifié d'objets de récupération. Enfin, il y a des photos personnelles que l'artiste retouche. En grattant l'image, en occultant certains détails, il fait apparaître des silhouettes qui se détachent sur un fond immatériel et fait rejaillir des couleurs rougeoyantes.
Regards floutés
Contrairement au peintre travaillant au couteau qui rajoute de la matière, Fabrice Tignac fait exactement l'inverse, une lame de rasoir à la main : « C'est une technique que j'utilise depuis 15 ans. À l'époque, j'ai commencé par gratter mes cartons d'invitation. J'ai transposé l'application à la photographie. Je me permets de dire que je ne suis pas photographe. Je serais davantage un plasticien. Toutes mes créations sont des photos originales. Je pars sur de petits formats. Je passe commande en laboratoire des retirages en grand format sur des supports Dibond. Par une simple pression de la lame de rasoir sur le papier, j'enlève un peu de vernis. Plus qu'à l'identité des gens, je m'intéresse davantage à des représentations physiques, des attitudes, des postures. D'ailleurs, sur aucune de ces photos, vous ne reconnaîtrez un seul visage. Je commence par leur barrer les yeux, comme s'il s'agissait de flouter leur regard. Chacun peut se retrouver dans ces compositions. C'est un exercice de mémoire collective ».