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Les champs magnétiques de Mona Roussette
Devant les compositions peintes de Mona Roussette on reste aussi bien ébloui qu’interloqué. Surtout quand on apprend qu’elle est une autodidacte tandis qu’on affectionne les musées et on ne jure que par l’histoire de l’art. Car son art spontané est une expression à la fois « sauvage » et éminemment raffinée.
C’est un fait qu’aucune école n’a jamais mis à l’épreuve son talent qui coule de source, aucun enseignement n’est intervenu pour dresser un écran d’idées préconçues entre le tableau et la fureur du peintre.
Même quand on ignore l’histoire de cette artiste, le chemin qui l’a conduite jusqu’à ses étonnants tableaux, on peut en toute innocence leur accorder son admiration et leurs attribuer le titre de petits chefs d’œuvres.
Quand on sait qu’il s’agit d’une artiste sans formation préalable et qui œuvre grâce à un instinct artistique inné sans références et héritages possibles, l’admiration qu’elle suscite est suivie d’un sentiment d’immense étonnement. Car il s’agit d’œuvres accomplies qui peuvent trouver tout à fait leur place dans la création moderne et qu’on peut aisément comparer- à leur avantage- à d’autres œuvres de la modernité classique.
Il s’agit en majorité de toiles de formats plutôt moyens – des tout petits jusqu’ à un mètre soixante -, c'est-à-dire de formats « raisonnables » qui n’imposent pas une arrogance dominatrice : leurs dimensions peuvent tout à fait convenir à notre environnement. Ils sont par conséquent des tableaux qu’on a envie d’avoir chez soi aussi bien pour leur harmonie de couleurs toniques que pour leurs formes et leur compositions suggestives et bien équilibrées. Leur aspect chatoyant doté d’une vibration jouissive est d’un pouvoir décoratif extraordinaire.
Car Mona Roussette, tout autodidacte qu’elle soit, est habitée par un héritage identitaire qui ne manque pas de se manifester dans toutes les métamorphoses de sa peinture. On ne peut pas regarder ses tableaux sans penser que l’artiste appartient à la civilisation arabe réputée comme aniconique : Peu importe si elle s’est mise à peindre avec un certain retard et dans un univers occidental. Les lignes rythmées des arabesques et du moucharabieh ont constitué son univers naturel dès l’enfance. Une fois mise à l’œuvre, l’artiste a conquis très vite et de manière frappante ce que Matisse appelait « le décoratif », ce que lui-même a découvert lors de son voyage au Maroc et qui a imprimé toutes son œuvre. Il s’agit, selon lui, d’une expression « qui ne réside pas dans la passion qui éclate sur un visage mais qui est dans toute la disposition du tableau et de la composition : l’art d’arranger de manière décorative les divers éléments dont le peintre dispose pour exprimer ses sentiments ».
Il s’agit donc de l’ art du motif, l’art des formes abstraites bien ordonnées, l’art de la jubilation colorée d’un monde affranchi de la figure humaine que l’anthropomorphisme occidental nous a imposé. Mona Roussette l’a adopté et avec le temps l’a possédé de manière admirable.
Quand elle se met à peindre un bouquet de fleurs, ce n’est pas pour décrire la beauté indépassable de la nature. S’il lui arrive d’observer ses merveilles, la complexité des feuilles, l’élégance des tiges, les pétales veloutées, la flore dans toute sa splendeur, c’est plutôt pour se plonger dans le grand dictionnaire des formes et des rapports colorés qu’offre le monde naturel. Son instinct la conduit sûrement vers une organisation très personnelle de tous ces éléments. Ses fleurs deviennent des constellations de signes, des motifs éclatent et se multiplient pour le plaisir du regard, l’euphorie et la tranquillité de l’âme.
Par ailleurs, ces fleurs-signes sont traitées avec la même désinvolture spontanée qu’on rencontre dans ses abstractions pures. La joie des complémentaires domine dans ses compositions : les taches rouges chantent sur des champs bleutés, les violets sur le jaune : tout est fait pour stimuler la vue, pour réveiller les mécanismes du plaisir.
En regardant ces tableaux, on se demande qui a appris si bien à Mona la puissance des contrastes simultanés, les savants amalgames des textures, les mixtures précieuses dont les effets nous appellent de loin impérieusement. Elle nous a avoué qu’elle n’a pas eu de maître ni pour peindre ni pour les autres arts qu’elle exerce avec une facilité qui nous rend perplexe.
Pour notre bonheur, elle a choisi comme moyen d’expression prédominante la peinture. C’est un tempérament exubérant aussi bien que sincère qui se jette dans son art avec un enthousiasme déchaîné. Traduire les sentiments en matières colorées lui provoque une sorte d’ivresse qui met en branle son toucher. Car Mona peint avec ses doigts.
Peintre directement avec ses mains est une manière aussi ancienne que le monde. Pourtant Mona Roussette n’empreinte pas la pulsion sauvage de l’acte primitif. Sa démarche reste savante et délicate. A cette approche tactile il ne faut pas non plus voir quelque chose qu’on peut apparenter à « l’art gestuelle ». Il ne s’agit pas de coups de pinceau ou d’autre chose, violents et désordonnés : ce sont des caresses qu’elle prodigue à ses tableaux. Jouer avec la matière colorée, la ramasser, l’amalgamer, lui donner une consistance lise et brillante, la diriger aux quatre coins de la toile, redistribuant ses richesses jusqu’à ce que le tout prenne une forme satisfaisante correspondant à une sorte de narration imaginative c’est un acte qui rappelle ce qu’on fait avec un instrument de musique ultra sensible. Les vibrations obtenues par le maniement de la couleur aboutissent à une harmonie tout à fait comparable à celle des phrases musicales.
Mona Roussette n’est point systématique. Sa fantaisie intarissable la conduit toujours dans de nouveaux domaines. Ses fleurs tantôt pulpeuses tantôt en semis sont organisées de mille façons mettant en valeur un chromatisme recherché. Mais la pratique « fleurie » peut aussi, par un simple glissement d’humeur, se convertir en composition totalement abstraite. Ainsi le tableau constellé de taches est remplacé par des motifs spiralés sur des aplats travaillés en filigranes, ou bien sur une nappe unie d’entrelacs dessinés avec l’envers du pinceau créent le meilleur effet. Ailleurs, des « vides » couverts de matières lisses et claires semblent atteindre des profondeurs brouillées. Enfin, dans un autre genre de toiles, les fonds s’étalent en vastes étendues vibratoires où la pate colorée fondue forme des horizons luminescents rappelant les coucher de soleil de Turneur.
Il y a aussi une autre catégorie de toiles plus structurées où le travail des pinceaux qui suit celui de la main reprend le dessus. Dans ce cas, les contours des formes se précisent, introduisant plus de nervosité et de narration.
La suite de l’article sur mon site http://www.monaroussette.com
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